Ses écrits

« JE FAIS DES ROMANS POUR MON COMPTE,

 SEULEMENT JE NE SAIS PAS LES ECRIRE »


Ses écrits sont fidèles à sa ligne de conduite...

Exemple, un questionnaire soumis aux nouveaux conjurés lors de la création par A.Barbès et A.Blanqui de la Société des Familles et de la société des Saisons. Ce cérémonial d’intronisation des nouvelles recrues apparenté aux rites maçonniques était impressionnant. A.Barbès en était l’auteur. Le postulant, les yeux bandés, devait jurer ‘de garder le plus profond silence’ sur ce qu’il allait entendre.

Questionnaire

Que penses-tu du gouvernement actuel ?

- Qu’il est traître au peuple et au pays.

Dans quel intérêt fonctionne-t-il ?

- Dans l’intérêt d’un petit nombre de privilégiés.

Quels sont aujourd’hui les aristocrates ?

- Les hommes d’argent, banquiers, fournisseurs, monopoleurs, gros propriétaires, agioteurs, en un mot les exploiteurs qui s’engraissent aux dépens du peuple.

Quel est le droit en vertu duquel ils gouvernent ?

- La force.

Quel est le vice dominant dans la société ?

- L’égoïsme.

Qu’est-ce qui tient lieu d’honneur, de probité, de vertu ?

- L’argent.

Quel est l’homme qui est estimé dans le monde ?

- Le riche et le puissant.

Quel est celui qui est méprisé, persécuté, mis hors la loi ?

- Le pauvre et le faible.

Que penses-tu du droit d’octroi, des impôts sur le sel et sur les boissons ?

- Ce sont des impôts odieux destinés à pressurer le peuple en épargnant les riches.

Qu’est-ce que le peuple ?

- Le peuple est l’ensemble des citoyens qui travaillent.

Comment est-il traité par la loi ?

- Il est traité en esclave.

Quel est le sort des prolétaires sous le gouvernement des riches ?

- Le sort des prolétaires est semblable à celui des serfs et des nègres ; sa vie n’est qu’un tissu de misères, de fatigue et de souffrance.

Quel est le principe qui doit servir de base à une société régulière ?

- L’égalité.

Quels doivent être les droits du citoyen dans un pays bien réglé ?

- Le droit à l’existence, le droit à l’instruction gratuite, le droit de participation au gouvernement. Les devoirs sont le dévouement à la société et la fraternité envers les citoyens.

 Faut-il faire une révolution politique ou une révolution sociale ?

-  Il faut faire une révolution sociale.

Le citoyen qui t’a fait des ouvertures t’a-t-il parlé du but de nos travaux ?

- Chaque membre a pour mission de répandre par tous les moyens possibles les doctrines républicaines, de faire en un mot une propagande active, infatigable.

Promets-tu de joindre tes efforts aux nôtres ? Plus tard, quand l’heure aura sonné, nous prendrons les armes pour renverser un gouvernement  traître à la patrie. Seras-tu avec nous ce jour-là ? Réfléchis bien, c’est une entreprise périlleuse. Te sens-tu la force de braver le danger ? Quand le signal du combat aura sonné, es-tu résolu à mourir les armes à la main pour la cause de l’humanité ?

-  J’y suis résolu.

Commentaires

Après cette épreuve, le récipiendaire devait remettre à l’association une quantité de poudre proportionnée à ses  moyens financiers ‘un quarteron au moins’ et il prononçait un terrible serment en tenant dans sa main droite un poignard symbolique.
 
Ce questionnaire et ce serment, tissés de phrases solennelles et puériles, sont sans doute des pièces importantes à verser au dossier psychologique de A.Barbès. Ils montrent qu’à ce moment il était à la veille de franchir un pas décisif dans le chemin des révolutions. Chauffé à blanc par A.Blanqui, promu à vingt-cinq ans au rang de chef d’une organisation subversive de terroristes, grisé par ses responsabilités, enivré par le plaisir du commandement, il paraissait vraiment prêt à tout pour faire triompher son idéal.
…..
Dans une telle situation on peut tout redouter d’un jeune exalté, même l’assassinat.
(La tentation du fanatisme / Extraits et analyse de R. Merle dans ‘Un Révolutionnaire Romantique’)

A Etienne Arago






Dès sa première rencontre avec  Etienne Arago , Barbès lui dit « Je viens à Paris pour m’instruire, mais aussi pour mettre au service de la cause démocratique ma fortune, mon sang, ma vie ». Ces paroles dites avec emphase  caractériseront ses discours et ses actions toute sa vie.


Répression de Juin 1832




​Après la répression du soulèvement de juin 1832 qui se termina par le massacre des derniers insurgés dans le cloître St.Merri Barbès écrit : « … Cesse tes plaintes , les lâches pleurent et se lamentent, mais tu n’es pas un lâche. Dieu a pu dire à la mer - tu n’iras pas plus loin , mais il ne l’a point dit au démocrate. Tant que ton âme n’aura pas abandonné ton corps, elle appartient à la patrie et tu n’es pas maître d’enlever à cette mère chérie le plus fugitif de tes moments ».

Deux jours de condamnations à mort

Dans un opuscule (1848) de vingt-quatre pages intitulé ‘Deux jours de condamnation à mort’ aujourd’hui introuvable, Barbès a raconté sa propre expérience en attendant sa condamnation à mort. Dans ce petit livre, le seul qu’il ait écrit, transparaît une admirable force d’âme. Ce condamné à mort se voulut véritablement exemplaire.
Il apprend par le directeur de la prison, qu’Alibaud avait aussi occupé sa cellule en attendant sa mort en 1836. Originaire de Perpignan, il avait tenté de tuer Louis-Philippe d’un coup de canne à fusil et ce fanatique avait attendu sa mort avec un stoïcisme et une sérénité que Barbès voulait égaler.
Roger merle raconte que « le sentiment qu’il éprouvait alors était à peine une légère surexcitation d’énergie et comme une pointe d’orgueil de voir qu’il était appelé à donner son sang pour sa cause. N’avait-il pas juré à l’âge de vingt ans de sacrifier sa vie au service de l’idéal démocratique ? Il avait tenu son serment et éprouvait une certaine fierté qui lui faisait considérer sa mort comme une gloire enviable…. Il prenait de plus en plus conscience du personnage que son caractère et son destin l’avaient peu à peu conduit à endosser : celui d’un héros voué au martyre et à la statue historique ».
« Une fois installé dans la cellule réservée aux condamnés à mort, il alluma sa pipe, s’entoura d’un nuage d’épaisse fumée et se disposa à s’évader confortablement dans la méditation –des choses utiles-. Cependant, les tracasseries pénitentiaires n’étaient pas terminées. Les gardiens, de plus en plus navrés, revinrent en dissimulant honteusement aux regards du prisonnier la camisole de force : une chemise de forte toile, fermée par le dos, dont les manches cousues aux extrémités enfermaient les mains du détenu. En un clin d’œil, Barbès se retrouva ficelé, les bras liés l’un sur l’autre, incapable de saisir un objet ou de faire un mouvement. On lui souhaita tristement le bonsoir. Il s’allongea sur sa couchette pour tenter de dormir »
Il écrivit à sa sœur et à son frère les dernières lettres du condamné :
« Les idées me venaient abondantes, nombreuses, empreintes d’une sorte de poésie mélancolique, mais non pas triste. Je développai surtout avec chaleur la recommandation de ne pas plaindre mon sort mais de considérer que je quittais cette terre dans les conditions les plus favorables possibles : honoré de la couronne du martyre, jeune, me possédant tout entier et n’ayant souffert aucun de ces dépérissements moraux et physiques qui signalent la terminaison de l’existence par les maladies. »

A Victor Hugo


​« Le condamné dont vous parlez dans le septième volume des Misérables, doit vous paraître bien ingrat. Il y a vingt-trois ans qu’il est votre obligé ! … et il ne vous a rien dit. Pardonnez-lui ! Pardonnez-moi ! ».

Il évoque ‘Les Misérables’ et le personnage d’Enjolras auquel il a servi de modèle.
(10 juillet 1862/ Maison de Victor Hugo)

Il évoque à nouveau ‘les Misérables’ mais cette fois, c’est le personnage de J.Valjean :
« Sans avoir jamais en rien de comparable à la force de Valjean, j’ai été, en effet, réputé une des meilleures jambes de mon département. Quelques chasseurs encore subsistants pourraient l’attester ! et il est triste et dur lorsque l’on a gravi la montagne d’Alaric de se voir cloué sur un misérable fauteuil par le manque de respiration » (9 mai/ Maison de Victor Hugo à Paris)
Nous retrouvons là sa sensibilité pour les lieux de son enfance. Face à sa dure vie il se rappelle les exploits de son enfance dans son ‘Midi’.

A George Sand

Lorsqu’il fut exclu du convoi qui amena les condamnés à Belle-Ile en Mer, Barbès se crut l’objet encore et toujours de ménagements et très blessé il écrivit à G.Sand : « Je ne croyais pas mériter une telle indignité ! J’étais plus heureux le jour où je fus condamné à mort ! Mon âme s’élève vers vous en ce moment de douleur extrême… Laissez-moi presser de mes mains humiliées votre main qui me sauvera ».

Très cérémonial, Barbès appelait dans ses lettres George Sand ‘madame’ ou ‘ma noble et grande amie’, ‘bonne et chère amie’ ‘chère illustre amie’. Quant à lui, il signait ‘votre dévoué’ ‘à vous toujours d’âme et de cœur’ ‘je dépose dans votre âme mes désirs et mes craintes de patriote’ et enfin … ‘je vous aime comme la République et comme la France’ !

1er ouvrage

Publication en 1837 du 1er ouvrage de Barbès ‘Quelques mots à ceux qui possèdent en faveur des prolétaires sans travail ‘. C’est une brochure socialiste pour la reconnaissance du droit au travail mais dans un style romantique. Cette publication inquiéta beaucoup les autorités locales et il fut inculpé devant la Cour d’Assises de l’Aude d’attaque contre la propriété et de provocation à la lutte des classes. Acquitté du fait de délit de presse (7août 1837) il n’en a pas moins écopé d’un mois de prison pour avoir outragé à l’audience un ‘magistrat de l’ordre judiciaire’.

A Monsieur DOUX, père, de VILLALIER

le 12 avril 1839 après avoir quitté Carcassonne pour participer au coup de main de l’insurrection des 12 et 13 mai 1839 : « Je pars mais le cœur torturé et en proie aux plus tristes pressentiments… Adieu donc mon ami, et, suivant l’expression du poète, si c’est pour toujours, pour toujours encore, adieu ! ».
Lors d’une conversation avec un de ses compagnons de cellule Barbès dit « Quel malheur de ne pouvoir mourir sur une barricade ». Réponse de son compagnon « Tu as tort de ne pas souhaiter vivre jusqu’à la fin de la lutte ». et Barbès « A la fin ? Mon ami, je serais encore un embarras pour vous ».

Rue barbès à Paris

La rue Rambuteau à Paris en 1848 avait été débaptisée par le gouvernement provisoire et appelée ‘rue de la République’ mais comme le nouveau nom n’avait pas encore été inscrit, quelques citoyens eurent l’idée de donner à la rue le nom de Barbès.
​Mais celui-ci écrivit le 30 Mars 1848 à ce sujet : « Il paraît disait-il que dans quelques coins de la rue Rambuteau, mon nom a été mis à la place de l’ancien titre. Je n’ai pas besoin de dire que je ne mérite en aucune façon cet honneur. Je ne vois qu’une marque d’affection donnée par quelques amis. Mais, comme la voie publique n’est pas faite pour servir d’enseigne aux sentiments privés, je prie la municipalité de Paris de faire effacer mon nom et de la faire remplacer partout par le nom de la République décerné à cette rue par le gouvernement provisoire ».